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Pourquoi prendre le temps de réfléchir à sa stratégie serait l'apanage des grands groupes ?

  • jean-michelbeziat
  • 6 juin 2024
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 24 juin 2024

Article 3 : La Raison d’Être (2/2)

 



Le précédent article avait mis en évidence la nature de la Raison d'Être et ce qui la différencie en particulier de politique RSE. Cela étant posé, il est temps maintenant de préciser comment l'entreprise peut exprimer sa Raison d’Être.


Découvrir sa Raison d’Être

 

Présenter sa Raison d’Être est un exercice difficile parce que cette notion ne se définit pas, elle se découvre.

 

Rares sont les entreprises qui ont précisément formalisé dès le début de leur histoire leur raison d’être. En effet, la plupart des aventures entrepreneuriales commencent avec une idée, une innovation ou la proposition d’une réponse à un besoin. Or la raison d’être telle que nous venons de la décrire ne peut se limiter à être simplement cette réponse. Mais si l’absence d’expression de la raison d’être au début de l’histoire n’empêche en rien l’entreprise en question de l’exprimer un jour, et s’il existe une obligation de cohérence forte entre la raison d’être et ce qu'est l’entreprise concernée, c’est donc que dans l’extrême majorité des cas, cette notion se construit et trouve sa matérialité dans l’histoire de l’entreprise au fur et à mesure de son développement.

 

De même, ses valeurs fondamentales elles aussi n’ont que très rarement été définies au début de l’aventure. Tout comme la raison d’être, ce sont les dirigeants, les salariés, le mode de management, les relations clients, fournisseurs, les actions de communication (et en particulier aujourd’hui tout ce qui tourne autour des réseaux sociaux), le sponsoring, les publicités, bref tout ce qui fait exister l’entreprise dans le monde qui petit à petit contribuent à l’apparition de ces valeurs. Au bout d’un certain temps, les valeurs de l’entreprise sont tellement ancrées dans le corps social qu’elles vont même jusqu’à s’imposer aux dirigeants, nouveaux ou pas dans la structure, qui souhaiteraient les transformer là encore dans une approche « Top-Down » déterministe. Evidemment, ces tentatives se soldent très souvent par des échecs. Les cas de dissonance entre valeurs éprouvées par les salariés et valeurs prônées par la DG, qu’elles soient internes ou externes, sont nombreux et un des facteurs majeurs des difficultés managériales que peut rencontrer l’entreprise.

 


La conséquence de cette approche est que l’entreprise ne devrait pas formaliser sa raison d’être ou ses valeurs fondamentales en se demandant celles qu’elle souhaite exprimer ou défendre. Au contraire, l’exigence de cohérence forte milite pour qu’elle identifie ces deux notions en « découvrant » celles qu’elle défend effectivement. Et ce travail demande un minimum d’honnêteté…

 

Par exemple, lorsque Carrefour met en avant en 2020 l’alignement de sa stratégie avec sa raison d’être, le communiqué de presse de l’entreprise indique que le programme défini par Carrefour est issu « d’une réflexion profonde de l’ensemble de l’entreprise sur son identité, son activité et son avenir […]. ».

 

Cette formulation met bien en évidence le travail nécessaire pour formaliser ces notions d’identité et de valeurs associées. C’est parce que ces notions ne sont pas imposées mais se sont affirmées au fil des années qu’elles ont de l’impact. C’est cette caractéristique qui leur permet d’exprimer ce qu’est l’entreprise au plus profond d’elle-même. Ceci explique d’une part pourquoi il est interdit de les galvauder et d’autre part, pourquoi l’entreprise se méprend si elle pense ces notions comme une réponse aux exigences de son temps.

 

Mais une fois cela dit, la question reste pendante : comment parvenir à découvrir ces valeurs fondamentales et exprimer cet objectif absolu ?

 


Tout d’abord, un premier constat est évident. Si les concepts sont profondément enfouis dans l’entreprise, alors les découvrir demandera certainement de l’aide. Mener un travail si proche de la maïeutique ne peut se faire sans efforts et surtout un maximum d’honnêteté. Ainsi, un tiers à l’entreprise, grâce à son absence d’investissement émotionnel, aura plus de facilités à piloter la démarche, à assurer le respect du processus et surtout à maintenir à chaque étape cette exigence d’honnêteté…

 

Ensuite, il faut procéder dans l’ordre. Avant l’expression de la Raison d’Être, celle des valeurs fondamentales est indispensable. Mais attention, si identifier des valeurs peut sembler ne pas soulever trop de difficultés, identifier des valeurs fondamentales pour l’entreprise n’est pas une démarche aisée. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une valeur fondamentale, c’est une valeur sur laquelle l’entreprise ne transigera jamais quelles que soient les circonstances.

 

Pour traiter cette première étape, il y a donc deux actions à réaliser ici : identifier les valeurs de l’entreprise et déterminer parmi celles-ci celles que l’entreprise considère comme étant ses valeurs fondamentales.

 



Avant de commencer ce travail, il est nécessaire de rappeler que la notion de valeur en entreprise n’a a priori aucune dimension morale. Comme l’écrit André Comte-Sponville dans la préface de « L’Entreprise en 80 valeurs » (Editions Liaisons), « Il n’est de morale que pour et par les individus » et par conséquent que la morale en entreprise « n’a que la place, grande ou petite, que les individus qui y travaillent […] lui accordent ».

 

La rentabilité immédiate, le rapport de force, la compétition exacerbée sont des valeurs potentielles de l’entreprise au même titre que l’intégrité, la qualité ou la satisfaction client. Et c’est bien parce qu’il peut être difficile de reconnaître certaines valeurs comme étant les siennes que ce travail d’identification ne peut se faire en complète autonomie.

 

Pour identifier les valeurs de l’entreprise, il est possible d’appliquer le processus suivant :

 

1.    Proposer au CODIR une liste de valeurs en demandant à chacun de ses membres d’en retenir un certain nombre, limité à une dizaine par exemple, correspondant aux principales valeurs portées selon eux par l’entreprise. Evidemment, chaque choix est personnel et doit être motivé. Mettre ensuite ces listes personnelles en commun pour désigner après discussion les valeurs finalement retenues par le CODIR comme étant celles de l’entreprise.

 

2.    Proposer aux salariés une liste de valeurs reprenant celles retenues à l’étape précédente ainsi que d’autres, évoquées ou pas par l’équipe dirigeante, afin qu’ils désignent eux aussi les valeurs étant, de leur point de vue, représentatives de l’entreprise. Possibilité de permettre aux salariés de proposer une ou deux valeurs qu’ils souhaitent mettre en avant et qui n’auraient pas été citées. Là aussi, limiter le nombre de valeurs citées pour que seules les plus ressenties soient recensées.

 

3.    Retenir les 10 valeurs « salariés » les plus fréquemment indiquées, les rapprocher de la liste « dirigeants » pour identifier les similitudes et les éventuels écarts et décider pour chacun de ces derniers si la valeur concernée doit intégrer celles de l’entreprise. Il est évident qu’il sera beaucoup plus difficile de ne pas retenir une valeur « plébiscitée » par les salariés que de retenir une valeur citée uniquement par l’équipe dirigeante[1]...

 

4.    Sur la base de questions telles que « Si cette valeur devenait un handicap concurrentiel, la garderiez-vous ? », « Si vous deviez présenter votre entreprise à un martien, quelles sont les 5 valeurs que vous mettriez en avant ? » ou « Si votre vite dépendait de la justesse de votre réponse, diriez-vous que cette valeur est une valeur fondamentale de l’entreprise ? », identifier parmi les valeurs finalement retenues à l’issue du processus celles considérées comme fondamentales, c’est-à-dire les valeurs qui seraient conservées envers et contre tout. Cette sélection est réalisée par l’équipe dirigeante.

 

Une fois les valeurs fondamentales identifiées (de 5 à 6 valeurs en général), il est possible de passer à la découverte de la raison d’être, un travail qui, lui non plus, ne peut se faire en autonomie. Il est toujours intéressant pour une équipe dirigeante de valider régulièrement la communauté de vision de ses membres sur les principaux objectifs de l’entreprise. Ce travail sur la raison d’être est un moyen, assez radical, de valider ce point. Comme pour les valeurs fondamentales, l’expression de la Raison d’Être de l’entreprise doit être le résultat de la mise en commun des visions de chacun des membres de la direction de l’entreprise. Et tout comme pour les valeurs fondamentales, il est évident qu’un tel travail ne peut être réalisé sans l’intervention d’un tiers qui collectera ces visions à travers des entretiens individuels et les présentera ensuite au groupe pour un travail de synthèse. Evidemment, si l’on considère que la raison d’être ne peut être un slogan marketing, l’étape qui consiste à parvenir à une première expression de celle-ci ne devrait pas, selon moi, être réalisée avec des spécialistes du marketing ou de la communication. En revanche, une fois cette première expression réalisée, un travail « d’affinage » de l’expression de cette raison d’être pourra être réalisé avec de tels professionnels.

 

Mais rappelez-vous, la raison d’être ne doit pas enfermer l’entreprise dans un espace stratégique trop restreint. Vous ne changerez pas de raison d’être tous les ans, assurez-vous qu’elle puisse vous correspondre pour les 30 ans qui viennent. Si tel n’est pas le cas, c’est probablement qu’elle est plus proche d’un slogan publicitaire, une profession de foi ou un axe stratégique. C’est pourquoi, une fois une vision commune arrêtée, il conviendra d’en extraire une synthèse suffisamment claire pour porter cette vision et suffisamment large pour autoriser l’entreprise à adapter son activité et sa stratégie aux futures évolutions de son environnement.


Maintenant que nous avons défini ce qu’est la Raison d’Être de l’entreprise, il nous faut aborder le lien entre Raison d’Être et stratégie. Cela fera l’objet du prochain article de cette série.


[1] Un « sous-produit » de ce processus est l’identification le cas échéant de valeurs perçues comme représentatives par les salariés mais fortement refusées par l’équipe dirigeante. Ce constat nécessitera alors la compréhension par cette dernière des raisons du choix des salariés et les évolutions nécessaires à sa disparition.




 
 
 

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