top of page
  • Linkedin
Rechercher

Pourquoi prendre le temps de réfléchir à sa stratégie serait l'apanage des grands groupes ?

  • jean-michelbeziat
  • 30 mai 2024
  • 6 min de lecture

Article 2 : La Raison d'être (1/2)


 

Pour éviter tout malentendu

 

Il est surprenant de constater, lorsque l’on tape « Raison d’Être » dans un moteur de recherche, que nombreux sont les retours qui associent Raison d’Être et Politique RSE. Sans vouloir entrer dans des développements philosophiques qui n’ont pas leur place ici, il me semble nécessaire dès le départ de poser un principe clair : la raison d’être n’a rien à voir avec la politique RSE de l’entreprise.

 

« la raison d’être d’une entreprise présente au monde ce qui lui manquerait si cette entreprise là (et pas une autre) n’existait pas »

 


Cette confusion semble être la conséquence d’un raccourci qui peut être décrit ainsi : comment une entreprise qui déciderait aujourd’hui de dire au monde pourquoi elle existe pourrait-elle omettre dans cette proclamation les exigences des préoccupations environnementales et sociétales qui s’imposent aujourd’hui à l’ensemble de notre société ?

 


Or, ce raccourci peut, à tout le moins, être fortement questionné. En effet, la raison d’être de l’entreprise est une façon pour elle de se raconter, de présenter au monde les raisons pour lesquelles elle existe, fait ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait tel qu’elle le fait. Autrement dit, la raison d’être d’une entreprise présente au monde ce qui manquerait à celui-ci si cette entreprise là (et pas une autre) n’existait pas. Une fois cette formulation posée, la question suivante s’impose : en quoi la politique RSE d’une entreprise répond-elle à cette définition ?

 

Il n’est pas question ici de dire que la politique RSE n’est pas un élément devenu incontournable pour toute entreprise. Il est simplement question de dire qu’il ne faut pas tout mélanger et que si la politique RSE est sans aucun doute une préoccupation aujourd’hui que personne ne peut occulter, elle n’est pas du tout de même nature que la raison d’être et ne peut s’y confondre. En effet, ces deux notions diffèrent sur au moins deux points fondamentaux :

 

Le premier d’entre eux a trait à leur nature même : La raison d’être est un cadre conceptuel durable qui s’appuie sur les valeurs fondamentales de l’entreprise. Elle ne contient aucune dimension opérationnelle en elle-même mais présente le projet fondamental dans lequel l’entreprise s’engage volontairement.

 

A contrario, la politique RSE est une réponse opérationnelle immédiate aux exigences environnementales, sociétales, morales, éthiques et légales du moment. Ce n’est pas un cadre, c’est un ensemble d’actions, de règles internes et de principes d’organisation cohérents avec ces exigences.

 

Le second point de différence radical entre ces deux notions est une conséquence du premier.

 

En effet, si la raison d’être s’appuie sur les valeurs fondamentales de l’entreprise, alors sa définition ne doit en rien être soumise aux contraintes extérieures. Son origine, sa source sont résolument internes et propres à l’entreprise.

 

La politique RSE est, elle, une demande de réponse opérationnelle et organisationnelle à des valeurs externes à l’entreprise. L’entreprise peut très bien ne pas reconnaître ces valeurs pour les siennes, c’est la société dans laquelle elle opère qui les lui impose. Ces valeurs, aussi légitimes soient-elles, peuvent être totalement étrangères à l’entreprise. Néanmoins, celle-ci se voit dans l’obligation de mettre en œuvre une organisation et des processus pour les y faire entrer sous peine de sanctions.

 

Ces deux points mettent en évidence la profonde différence de nature qui existe entre une notion durable et interne (la raison d’être) et une autre conjoncturelle et externe (la politique RSE). Cette différence explique pourquoi il est impossible de les confondre. Ce point étant posé, il est possible maintenant de chercher à définir ce qu’est la raison d’être et comment la faire apparaître.

 

Vers une définition de la Raison d’Être

 

« Si tu veux convaincre les gens de construire un bateau avec toi, ne leur parle pas de planches, de clous, d’outils …, mais partage avec eux ta passion de la mer. »

A. de Saint Exupéry

 

Avant d’approfondir ce qu’est la raison d’être, rappelons rapidement ce qu’elle n’est pas. La Raison d’Être n’est ni un slogan publicitaire, ni l’expression d’un engagement citoyen, ni une profession de foi. La raison d’être renvoie à l’identité de l’entreprise, c’est-à-dire aux valeurs qui la caractérisent, au sillon qu’elle a tracé depuis qu’elle existe et évidemment à l’objectif fondamental qu’elle poursuit. Dès lors une définition de la raison d’être pourrait être la suivante :

 

La raison d’être d’une entreprise est la manière dont celle-ci souhaite se présenter au monde. C’est une notion spécifique qui ne peut être confondue avec aucune autre. Elle s’appuie sur les valeurs fondamentales de l’entreprise et décrit le projet absolu dans lequel celle-ci s’est engagée.

 

La raison d’être raconte une histoire qui doit inspirer ses collaborateurs et rassurer ses parties prenantes. Et pour se raconter tout en suscitant l’adhésion, il vaut mieux faire rêver que de parler technique, principes et contraintes. Car, comme le dit Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu veux convaincre les gens de construire un bateau avec toi, ne leur parle

pas de planches, de clous, d’outils …, mais partage avec eux ta passion de la mer. » Voilà ce que doit être la raison d’être de l’entreprise : une invitation à vivre une aventure commune extraordinaire. Face à John F. Kennedy visitant Cap Canaveral au moment du lancement du programme Apollo, un balayeur travaillant dans l’atelier d’assemblage des étages de la fusée Titan répondait : « Ce que je fais ici ? Je vais sur la Lune ! ». Tout est dit !

 

Et c’est parce qu’elle évoque une aventure au long cours, inspiratrice, que la raison d’être présente un caractère non pas totalement immuable mais très fortement pérenne. Une entreprise ne change pas de raison d’être comme de logo. Depuis 1950, l’entreprise 3M a fait évoluer 16 fois son logo. A contrario, sa raison d’être « Résoudre des problèmes irrésolus par l’innovation » est restée inchangée sur la période. Pourtant au cours de ces 73 ans, 3M a fait évoluer sa stratégie, a développé de nouvelles activités, en a abandonné d’autres, mais toujours en respectant cette raison d’être.


Cette pérennité associée au fait que la raison d’être encapsule la stratégie de l’entreprise crée une difficulté particulière. Pour reprendre la référence à Antoine de Saint-Exupéry, la raison d’être doit éviter d’être trop technique ou trop explicitement liée à l’activité de l’entreprise. Michelin par exemple a retenu pour raison d’être « offrir à chacun une meilleure façon d’avancer ». Aucune référence au pneu ici. Pourquoi ? Parce-que faire référence à un élément à ce point précis enfermerait l’entreprise dans un espace stratégique trop restreint. Si un jour les voitures volent, Michelin n’aura-t-il vraiment plus rien à proposer au monde ?

 

Là est toute la difficulté de l’exercice : une raison d’être doit être cohérente avec l’histoire de l’entreprise et son activité tout en lui laissant la possibilité de s’adapter pleinementaux évolutions que son environnement ne manquera pas de connaître au besoin en changeant totalement d’activité pour peu que cette nouvelle activité reste cohérente avec sa raison d’être.

 

Cela étant, éviter de produire une raison d’être trop restrictive tout en souhaitant exprimer ses valeurs fondamentales n’est pas un exercice aisé. C’est la raison pour la plupart des entreprises préfèrent présenter les deux notions séparément comme Merck par exemple qui associe sa raison d’être « Faire avancer les technologies pour la vie » à un ensemble de valeurs fondamentales : Courage, Performance, Responsabilité, Respect, Intégrité et Transparence. La raison d’être, synthétique, définit le projet long terme, les valeurs fondamentales, nécessairement limitées, les règles du jeu que l’entreprise s’impose. Évidemment une telle présentation exige que ces deux notions soient à la fois cohérentes, tout aussi pérennes les unes que les autres et intégrées dans la vie quotidienne de l’entreprise.

 

Car bien que la raison d’être et les valeurs qui la sous-tendent doivent rassurer les parties prenantes internes et externes, il est indispensable de résister à la tentation de produire une raison d’être « cosmétique », pensée pour plaire, mais en décalage avec ce que l’entreprise est réellement. Si les actions de l’entreprise, de la plus commune à la plus importante, ne sont pas en phase avec ces deux notions, alors l’effet risque d’être délétère et provoquer la désillusion chez l’ensemble des parties prenantes à commencer par les salariés avec toutes les conséquences que cela implique.

 

Se lancer dans l’expression de sa raison d’être est donc un travail qui n’est donc pas à prendre à la légère. Ce travail demande du temps, de la patience et le processus n’est pas aisé à mettre en œuvre. C’est ce que nous verrons bientôt dans la seconde partie de cet article.

 
 
 

Kommentare


© 2024 ALTÉRIS CONSEIL. Réalisé avec Wix.com

bottom of page